La généralité de Châlons est l’une des plus prolifiques en projets de bibliothèques publiques. Elle compte l’une des plus anciennes fondations “modernes” du royaume, celle de Troyes (1651), qui fonctionne jusqu’à la Révolution, puis trois projets (Châlons en 1705, Vitry en 1763, Reims en 1772) et une réalisation un peu laborieuse (Langres, 1773-1786). Les fondations s’ancrent d’abord dans un terreau ecclésiastique (Cordeliers à Troyes, chapitre cathédral à Châlons), puis se rattachent aux institutions d’éducation (collège des Doctrinaires à Vitry) et – au moins dans l’idée – aux institutions municipales (Reims en 1772). Le cas de Langres, où le corps de ville reprend la main en 1785 sur une fondation capitulaire enlisée depuis 1773, est emblématique de ces dynamiques qu’on retrouve ailleurs dans le royaume.

Troyes, l’ancêtre (1651)

Jacques Hennequin, chanoine de Saint-Pierre et professeur en théologie au collège de Sorbonne, donne le 22 novembre 1651 sa bibliothèque (3987 volumes) au couvent des Cordeliers de sa ville natale, à charge de les mettre à disposition de « tous ceux qui désireront entrer » dans la bibliothèque ouverte « tous les lundis, mercredis, vendredis de l’année […] depuis midi sonnant jusques à soleil couchant, sans jamais y porter feu ni chandelle allumée ». Les cordeliers s’engagent, en retour, à aménager la vaste salle située au-dessus de la chapelle de la Passion « en forme et usage de bibliothèque », à désigner un bibliothécaire et à conserver les livres à perpétuité, sans possibilité de prêt à l’extérieur. Les clauses concernant l’aménagement matériel de la bibliothèque sont intéressantes : elles impliquent de supprimer les cellules situées en face de la porte de la bibliothèque et de « construire un escalier totalement dégagé des lieux réguliers », donc un accès autonome à la bibliothèque. L’entretien est assuré par une dotation de 2400 l. dont les revenus sont versés tous les trois ans, après que la complétude des collections a été vérifiée.

En 1653, Hennequin fait transporter à ses frais, depuis Paris et par voie de terre, ses livres, les étagères et les marchepieds de la bibliothèque. Un inventaire est dressé, imprimé et contresigné par les conservateurs laïcs et ecclésiastiques de la bibliothèque. Une seconde donation augmente le volume à 4682 volumes et un nouveau catalogue est imprimé en 1668.

La bibliothèque s’enrichit ensuite peu : elle compte 4700 volumes et 21 manuscrits à la Révolution. En 1756, Pierre-Jean Grosley évoque cette fondation dans sa Vie de Pierre Pithou dont les cendres reposent dans la chapelle sous la bibliothèque ; le traité entre Hennequin et les cordeliers est publié en annexe. On manque toutefois d’une étude sur son évolution et ses lecteurs au XVIIIe siècle.

Sources manuscrites

AD Aube

13 H 1-131. Archives du couvent des Cordeliers.

BM Troyes

Ms. 712. Catalogus omnium librorum bibliothecae publicae [Trecensis], male exaratus anno Domini 1769, opera F. Le Clerc, natu majoris, conventus Sezaniensis anumni, sub moderamine R. P. Pigeon.

Ms. 2401. Recueil comprenant 1° « Traité faict entre les gardien et couvent des Cordeliers de Troyes et Jacques Hennequin… » ; 2° Procès-verbal de la visitte de la bibliothèque (faite, le 23 novembre 1764, par Claude-Mathias Joseph de Baral, évêque de Troyes, assisté de Charles de Feitys de Saint-Capraise, chanoine, grand archidiacre, etc. de Claude Comparot de Berseney, conseiller au présidial de cette ville, et d’Eustache Gouault, doyen des conseillers de la ville) ; 3° Arrêté du district de Troyes qui établit le dépôt provisoire des bibliothèques […] au ci-devant couvent de Notre-Dame-aux-Nonains (18 juin 1793). Les pièces suivantes concernent les manuscrits enlevés par Chardon de La Rochette, en particulier les papiers Bouhier.

Ms. 2794. Copie du traité entre les cordeliers et Hennequin.

Sources imprimées

Catalogus librorum domini Hennequin, doctoris et professoris Sorbonici, juxta contractum, cum conventu FF. minorum Trecensium, coram notariis editum, in usum publicum digestorum, anno Domini 1656, Trecis, apud Franciscum Jacquard, 1656, 104 p. in-4. [Gallica]

Donation faicte aux pauvres malades de maladie incurable non contagieuse [de la ville de Troyes] par M. Hennequin, docteur en théologie de la Faculté de Paris, et professeur public en théologie dans les escolles de […] Sorbonne [5 janvier 1656], s.l.n.d. [1656]

Pierre Jean Grosley, Vie de Pierre Pithou, Paris, Guillaume Cavelier, 1756, t. II, p. 317-329.

Bibliographie

Françoise Bibolet, « La bibliothèque municipale de Troyes », RFHL, 1976, p. 275-340.

Pistes de travail :

• La fondation du chanoine Hennequin : modèles partagés, trajectoire originale ? Édition du contrat de 1651 (ms. 2401).
• La bibliothèque d’Hennequin : recherche des exemplaires du catalogue de 1656 ; analyse du fonds de la bibliothèque et archéologie des collections de la BM Troyes.
• La vie des collections : comparaison entre les catalogues de 1656 et 1769 (ms. 712).
• La bibliothèque au couvent : traces dans le fonds d’archives des Cordeliers (AD, 13H).

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