Ce texte a été rédigé par Mathilde Romary, doctorante en histoire (Université de Lorraine) et participante à l’école d’été internationale Understanding Mediterranean Collections organisée par la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme (MMSH), en partenariat avec le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), les Archives Nationales d’outre-mer (ANOM), l’École française de Rome (EFR) et l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo).

Le premier jour de l’école d’été internationale Understanding Mediterranean collections, c’est avec intérêt que, guidés par Bruno Vila, maître de conférences à Aix-Marseille Université (AMU), nous avons pu découvrir, dans une modeste salle de la faculté de sciences, le Musée colonial de Marseille. Sous ses apparences de cabinet de curiosités, ce petit musée abrite dans ses vitrines d’origine bon nombre d’herbiers, de boîtes, et de bocaux d’apothicaire qui contiennent des échantillons végétaux provenant des anciennes colonies et dont le nom savant et l’origine sont précisés sur des étiquettes jaunies par les années.

L’Institut colonial de Marseille a été fondé à la faculté des sciences en 1893 ; des collections lui ont rapidement été associées pour en faire un véritable laboratoire et ainsi appuyer l’enseignement et la recherche académiques. Composées initialement des spécimens rassemblés par le professeur de botanique Édouard Heckel, ces collections ont été augmentées grâce à des dons et lors de prospections réalisées dans le cadre des recherches menées à l’Institut. Le principal objectif assigné à ce musée universitaire était, au début du XX^e siècle, d’ordre scientifique. Toutefois, les enjeux étaient aussi économiques et commerciaux, puisque les propriétés des échantillons végétaux étaient étudiées en vue de leur application à l’industrie.

Peu à peu délaissées à cause de l’évolution de l’enseignement, amoindries au gré des déménagements, ces collections ne sont pas pour autant obsolètes : les spécimens précieusement conservés sur le site Saint-Charles d’AMU sont toujours utilisés de nos jours pour l’enseignement et, surtout, pour la recherche. Ils ont récemment été dépoussiérés, reconditionnés, reclassés et inventoriés, en vue d’une meilleure conservation et afin de faciliter leur consultation. Et si la collection a perdu de son importance originelle, une centaine de spécimens disparus ont pu être retrouvés, rapprochant un peu plus le musée actuel de son premier âge.

Ces collections scientifiques et didactiques ne sont pas sous cloche et sont toujours vouées à être utilisées, mais il faut désormais composer avec leur dimension patrimoniale. Dans le but de les préserver et de les valoriser, elles ont d’abord été inscrites au titre des Monuments historiques ; la procédure de classement a été initiée il y a peu. Le musée est aussi intégré au réseau Universeum, European Academic Heritage Network.

Le regain d’intérêt pour cette collection s’inscrit ainsi dans le vaste mouvement de revalorisation du patrimoine universitaire initié il y a une vingtaine d’années en Europe. Il d’agit de faire entrer en résonnance l’histoire de ces témoins matériels du passé avec les problématiques présentes de l’enseignement et de la recherche, mais aussi d’envisager le futur par la préservation de ces collections en vue de leur transmission.

Auteure du billet : Mathilde Romary est actuellement en thèse sous la direction de Sandrine Huber : La céramique grecque, étrusque et italiote dans les collections des universités françaises ; rôles et enjeux pour l’enseignement et la recherche (1876-1940), à l’université de Lorraine.

Crédit photographique : photographie des étagères du musée colonial réalisée et généreusement transmise par Sarah Lakhal, participante à l’école d’été Understanding mediterranean collections. CC-BY-NC.